Pour que l’internet soit un levier de développement en Haïti

Editorial de l’Observatoire du Numérique en Haïti en date du 15 mai 2018 | Cette publication reflète la position du Conseil d'Administration, de son auteur et de l'Observatoire. 

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Avec la globalisation, accélérée avec l’avènement du numérique, il serait presqu’impossible de pouvoir s’orienter avec facilité et rapidité dans les grandes les mégapoles comme New-York, Pékin, Brasilia… sans disposer d’une connexion internet. Qu’il s’agisse de la gestion des itinéraires avec le Système de Positionnement Global (GPS) ou de la programmation des circuits et horaires du transport en commun, aujourd’hui, tout semble reposer sur la technologie.

Dans beaucoup de pays, grâce à l’internet, les services publics sont désormais accessibles presqu’en tout temps. L’internet comble peu à peu le fossé de communication entre les gouvernements et leur population respective. Les échanges sont facilités. La prestation de services accélérée. Et l’Etat autonomisé.

Le rôle de l’internet tend de plus en plus à dépasser son cadre conceptuel initial pour devenir une nécessité incontournable. Plus qu’un outil, cette invention est devenue un vaste et puissant réseau universel de communication, sinon le plus intégré et le plus accessible. Le temps où les sociétés peinaient à comprendre la nécessité de tirer profit de l’internet à travers des applications impactant directement les conditions de vie de la population, est révolu.

Haïti en est encore loin cependant. Très loin. Trop loin. S’aventurer à utiliser le GPS en Haïti [pour ses déplacements] ne serait pas recommandé. Le risque de se perdre est encore plus grand quand on ne maitrise pas l’outil (et même le cas échéant). Les portails gouvernementaux [de service public] sont inexistants ou inopérants, comme pour la majorité des institutions publiques. Lorsqu’ils existent, nul besoin d’être un expert dans le domaine pour remarquer les failles de sécurité qui semblent devenir la norme ; au demeurant, leur efficience reste questionnable.

Pour être accessibles au grand public, les services d’internet sont distribués par des opérateurs. Cela requiert des infrastructures dont le déploiement est calculé en fonction de la garantie d’un retour sur l’investissement initial. En Haïti, la qualité de ces services laisse à désirer. La population concernée, soit 12,2% (selon les chiffres avancés par la Central Intelligence Agency – CIA), s’en plaint. La faiblesse du cadre légal aidant, l’Etat, à travers son régulateur, assiste. Du moins, essaie d’agir.

Le régulateur dont il est ici question, dispose sur son site web, d’un formulaire de doléances au service des consommateurs. Quoique la transmission des données personnelles n’y est pas sécurisée, cette démarche semble témoigner d’une certaine velléité des gouvernants de se mettre à l’écoute de la population ; toutefois, cette volonté réelle d’apporter des solutions effectives et durables aux plaintes de la population qui se multiplient au quotidien, est encore recherchée.

Les consommateurs semblent passifs. Mais ils ne le sont pas. Saisissant les réseaux sociaux, ils semblent peut-être ne pas se rendre à l’évidence que nombre d’institutions, autant privées que publiques, n’en font qu’une utilisation superficielle, à sens unique, loin de toute écoute active ou socialisation réelle. Les deux parties ne sont donc pas en situation de percevoir les incidences de l’absence d’une connectivité aux normes. Si ces dernières ne concordent point avec les performances communiquées, cela ne semble pas être un problème.

En Haïti, les infrastructures en télécommunications figurent parmi les moins avancées. D’aucuns estiment que les problèmes majeurs de base auxquels est confronté le pays (sécurité publique, accès aux soins de santé, accès à l’eau potable…) devraient être les priorités du moment. Pourtant, ces problèmes de base font encore et toujours l’objet d’interventions ponctuelles d’ONGs, d’organisations internationales, … au moyen de mécanismes diverses (appui budgétaire, prêts, dons…). Alors que les résultats et impacts ne sont pas trop visibles, nous observons cependant un certain élan d’auprès des entrepreneurs locaux qui proposent des startups les uns plus innovants que les autres (…).

Nous déplorons aujourd’hui l’absence d’une politique nationale du numérique qui, certainement, devrait tenir compte de l’évolution du secteur, la régulation et la conformité des services internet et des télécoms en général. En Haïti, avec la démocratisation de la téléphonie mobile, l’internet n’a jamais atteint un si haut niveau de pénétration. Cependant, tant qu’il sera perçu comme un simple outil de positionnement stratégique et/ou de compétitivité lié au contexte actuel, et qu’il ne sera pas régulé aux normes de qualité et d’accessibilité, on n’en pourra pas en faire un levier de développement durable. ✹

Photo by Quartz