Technologie et progrès: une nuance à discerner

Michelangelo: Creation of Adam. Robot Hand.
Cet article est inspiré du texte publié dans le magazine Boston Review intitulé « La technologie peut-elle éliminer la pauvreté ? », dont l’auteur, Kentero Toyama, est professeur à l’école d’information de Berkeley et ancien informaticien à Microsoft. À travers cet article, une vision pas trop populaire du rapport de la technologie avec le développement est présentée. Un deuxième article suivra pour faire le parallèle entre la technologie et la pauvreté.

Dans son article, Toyama soutient que les nouvelles technologies suscitent de l’optimisme et de l’exubérance qui sont souvent déçus par la réalité. Dans les années 2000, c’était l’euphorie totale autour de la technologie ; elle est présentée comme solution au développement. Et le mythe se poursuit encore aujourd’hui, mais, en réalité, les résultats ne sont pas au rendez-vous dans les pays en développement, et les problèmes structurels (les carences du réseau électrique, l’accès à l’Internet, les difficultés à offrir des services qui répondent aux besoins locaux) se sont révélés déterminants dans succès des nouvelles technologies.

En effet, les gens confondent assez souvent la pénétration de la technologie avec le progrès, explique Toyama. Selon lui, les gens sont plus excités à offrir des centaines de milliers d’ordinateurs à des enfants que d’être motivés à fournir une véritable éducation pour une centaine de milliers d’enfants. Certes, offrir un ordinateur permettrait à des écoliers l’auto-apprentissage, mais cela implique la mise à l’écart de la pédagogie, du corps des enseignants, des programmes ou des systèmes scolaires qui font encore défaut. Les gens se sentent plus motivés à parler de l’importance accrue de l’Internet ou de la technologie, mais oublient les problèmes de base. Toyama pense que ce n’est que de la techno-utopie qui consiste à croire que la diffusion à grande échelle des technologies conçues de manière appropriée peut apporter des solutions à la pauvreté et aux autres problèmes sociaux.

La valeur de la technologie est elle-même limitée quand la capacité des utilisateurs est elles-même limité. La technologie a besoin du support de gens dévoués et formés et des infrastructures adéquates. Les projets technologiques dépendent de l’intention et de la capacité des gens à les manipuler. Selon Toyama, « si vous avez une base de gens compétents et bien intentionnés, alors la technologie appropriée peut amplifier leur capacité et déboucher sur des réalisations étonnantes». Selon lui, la diffusion de la technologie est facile, mais entretenir les capacités humaines et les organisations qui ont permis ce bon usage est le point crucial. Pour lui, dans les autres cas, la technologie ne peut pas renverser une situation difficile, car elle n’en est pas un substitut. Malgré les grandes avancées des TIC, dans les pays en développement, elles n’ont pas conduit directement au progrès socio-économique, comme le montre l’exemple de la télévision, rapporte Toyama.

La technologie n’est pas le progrès : elle reste rattachée aux capacités de nos organisations à les manipuler. Toyama souligne que, pour les nouvelles technologies, « …leurs apports bénéfiques sont subordonnés à une capacité d’absorption des utilisateurs qui est souvent absente du monde en développement. La technologie n’a des effets positifs que dans la mesure où les gens sont prêts et capables de l’utiliser de manière positive. Et la technologie ne peut pas rattraper ce déficit chez les pauvres. Certains optent pour une éducation numérique aux populations et d’enseigner les techniques informatiques aux enfants à leur plus jeune âge. Toyama, lui, opte pour une vraie éducation de base. Il avance que si ce n’est pas le cas, la technologie fera beaucoup plus de mal que de bien.

Nous devons commencer à la base. Haïti a besoin d’abord d’une bonne et solide éducation de base. La technologie ne peut pas se substituer à tout. L’euphorie a trop duré. Parler de possibles retombés bénéfiques de la technologie dans un espace économique (région, pays, ville, etc.) donné devrait d’abord commencer par le questionnement de l’état des infrastructures de base, de la capacité de la population, de l’état de nos institutions de formations et de diffusion du savoir, de la capacité d’absorption de l’espace en technologie. Bref… de poser les bonnes questions, de poser les vrais problèmes et d’apporter les solutions appropriées. On ne peut pas mettre charrue avant les bœufs.

Références [1]http://bostonreview.net/forum/can-technology-end-povertyhttp://www.internetactu.net/2010/11/19/la-technologie-peut-elle-eliminer-la-pauvrete-12-la-technologie-nest-pas-le-progres/https://www.lemonde.fr/technologies/article/2010/11/19/la-technologie-peut-elle-eliminer-la-pauvrete_1442535_651865.html

ViaNouvelliste
SourceAnderson Thibaud
A travers un rôle de médiation et d’animation, l’Observatoire du Numérique en Haïti se donne pour mission d’accompagner les différents acteurs afin de préparer la société aux révolutions numériques en étant une plateforme-ressource de soutien aux écosystèmes locaux et d’appui aux processus d’aide à la décision.
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